Assignée à résidence... Cela faisait quelques mois que j’étais cloitrée dans cette fichue propriété ! Je commence à devenir folle. Non mais vous imaginez Sumire Yamiyo être cloitrée chez elle ?! C’est impossible ! Je suis en train de m’arracher les cheveux là ! Les seules choses que ma famille m’autorise de faire c’est des balades –
trop courtes – dans le jardin, des cérémonies de thé et de l’Ikebana. On dirait que je suis une pauvre poupée en porcelaine qui va se briser si je tente quoique ce soit. Mes blessures sont guérie c’est bon vous pouvez me lâcher les baskets maintenant !... voila que je parle toute seule...
~*~
Ma mémoire était encore floue. A chaque fois que j’essayais de me remémorer ce qui c’était exactement passé cet été... une insupportable migraine me vrillait la tête. Mais je suis du genre butée alors j’insiste encore et encore... Afin de me détendre un peu je me suis consacrée à la pratique de l’Ikebana. Toute jeune fille de bonne famille se doit de savoir maitriser cet art floral. Cela faisait déjà de nombreuses heures que je bataillais contre la plante qui se trouvait devant moi. Le calme et la sérénité sont très important durant cet exercice... et je dois me rendre à l’évidence je manquais cruellement de ces deux qualités ces derniers temps. Fermant les yeux, j’essayais de ne penser à rien, de vider totalement mon esprit. Les questions qui me troubler devaient disparaitre. Ma composition était presque finie... J’avais choisi des couleurs douces et chaleureuses. Une façon comme une autre d’oublier le froid de la saison hivernal. La composition aiguaierait la maison durant quelques jours. Un magnifique lys à coté de roses... entourant une branche d’orchidées sous le point d’éclore... plus qu’un ou deux coup de coupe et ce serait terminé. Ma main approcha la paire de ciseau d’un petit bourgeon, s’apprêtant à le couper après précaution quand... «
BAM » ! Mon stupide frère ainé trouva le moyen de débarquer avec son Bokken en bois et son kimono d’entrainement. Aucune délicatesse pour ouvrir les portes coulissantes ! Je me suis retournée lentement... lui lançant un regard noir et plein de reproches.
- Spoiler:
« Allez sœurette ! Va te changer ! Je vais te changer les idées moi ! »
« ... je croyais que tous efforts physique m’étaient interdit... »
« Au diable les médecins ! T’es en forme ! Allez bouge toi un peu sinon tu vas devenir vieille avant maman ! »...
C’en était trop. Je me suis jetée sur lui comme une furie pour plus donner un coup de poing mais il le para très facilement. Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres alors que mon visage arborait un sourire crispé et passablement énervé. J’ai déposé ma composition sur un petit meuble... et je suis allée me changer en vitesse. Sora allait le regretter ! Fouillant dans mon armoire je sortis un hakama blanc et un keiko-gi de la même couleur... Au bout d’une dizaine de minutes –
le temps de me préparer – je retrouvais mon frère dans le Dojo familiale. Je me mettais immédiatement en position, mes deux mains enserrant avec force la poignée de mon Bokken. Un sourire heureux éclaira le visage de mon grand frère qui se mit à rire... Mais seulement durant quelque instant car ses expressions joyeuses furent rapidement remplacée par une impassibilité inquiétante. Nos pieds martelaient le plancher avec violence à chacun de nos assauts. Mes coups étaient à chaque fois contrés par la défense de mon frère dont le visage était totalement neutre. Apparemment il prenait cet entrainement avec beaucoup de sérieux. Les questions s’entrechoquaient dans mon esprit. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas entrainée... est ce que j’étais devenus faible ?! Alors que j’étais perdue dans mes pensées, le pied de Sora frappa le sol avec détermination et il poussa un cri... le Kiai... qui désigne la détermination de l’assaut du combattant. Mes yeux aperçurent l’ombre du sabre... ce dernier s’arrêta à quelque centimètres de mon visage. Fixant le bois... une goutte de sueur perla le long de mon cou... Un peu plus et j’avais le nez fracassé. Respirant lentement je m’écartais de mon frère. Ce dernier me fixait avec sérieux et une sorte d’inquiétude. Se massant le cou, il abaissa son Bokken.
« ... Yami... Tu ne dois pas l’avoir remarqué mais... depuis ton « accident » tu as perdu quelque chose. Tu n’es plus aussi déterminée qu’avant. Tu avais un but et là... plus rien. Tu sembles complétement perdue... »
« ... Mais c’est fa... »
« Tu vois bien ! Tu ne m’as pas touché une seul fois ! Même ta voix était faible ! Tu as intérêt de te reprendre ! » Il me laissa là... seule face à mon incompréhension et mes questions. Je savais bien que ce jour là j’avais perdu quelque chose. Mais ce n’étais pas ma détermination... non... en faite j’en sais rien. Ca me tue de ne pas savoir ce qui me manque... ce que j’ai oublié... ce qu’on m’a enlevé...
~*~
Les jours passèrent et une étrange tension flottait entre mon frère et moi. Je lui en voulais... j’étais en colère mais dans un sens je savais qu’il avait raison. Un jour en fouillant dans mon sac je suis tombée sur un reçu de taxi... Après quelques recherches sur Internet je suis parvenue à la conclusion que je m’étais rendu près de vieux hangars non loin de la baie de Tosa. Mais qu’est ce que j’étais allée faire là-bas ? Ouvrant ma messagerie... je tombais sur un détail anodin : mon pseudo... et aussi mon surnom... Raven... C’était étrange mais ce nom m’était étrangement familier... pas parce que je le portais en divers occasions mais pour une autre raison. Est-ce là la clef de ce qui me manquait ? Sans nul doute car à l’ instant où mes yeux violacés se posèrent sur ce mot... une migraine plus violente que les précédente me martela le crâne. J’en avais plus qu’assez de ne pas mettre le doigt sur ce qui n’allait pas dans ma tête. Il fallait que je retrouve mon calme et ma sérénité... mais comment ? Une séance de médiation ? Qui ne tente rien n’a rien comme le dit si bien le dicton...
Une pièce sombre jouxtant le jardin intérieur de la maison. Aucune lumière ne brille dans la salle typiquement japonaise à l’exception d’une unique bougie blanche. Sur un autel dédié aux ancêtres brûlent des bâtons d’encens. Les fringances emplissent la pièce et les nappes de fumée sont à peine décelables dû faite de la pénombre ambiante. Le seul son qui vient troubler le silence de la pièce obscure et le tintement familier de la fontaine bambou. Je me dois de ne plus penser à rien... Assise sur les genoux au centre de la pièce je ne dois plus penser à rien... faire abstraction de mon corps... le vide... le néant... Je laisse mes vagues souvenirs de cette journée être happé par les ténèbres. C’est mieux ainsi. Lorsque le moment viendra les souvenirs s’éclairciront d’eux même. Cela ne sert à rien de courir après une chose qui m’est pour le moment inaccessible. C’est une perte de temps. Je n’abandonne pas l’idée de savoir un jour ce qui s’est passé dans la baie de Tosa... mais pour le moment je me dois de mettre ces souvenirs brumeux de côté. Le vide... les ténèbres de ma conscience se dissipèrent peu à peu. Le tintement familier me ramena dans le monde matériel. Mes prunelles s’ouvrirent sur la flamme de la bougie. Cette dernière dansait à cause de mon souffle léger et maitrisé. Je me sentais plus sereine. Les contours du monde qui m’entourait me semblaient plus nets qu’avant... Je soufflais avec détermination sur la bougie.
~*~
Après cette séance de méditation pour le moins bénéfique je suis allée retrouver mon frère qui discuter avec notre père. Je me fichais de les interrompre dans leur conversation fusses-t-elle importante. Arborant un grand sourire, je tenais mon Bokken avec détermination.
« Sora... tu me dois une revanche. Ce soir tu ne te relèveras pas ! »Mon grand frère me regarda interloqué –
je ne parle même pas de mon père – puis un sourire heureux illumina son visage. Il avait retrouvé sa petite tête brulée de sœur !